Depuis deux mois, Michael Musacchio ne peut plus voir sa fille. Ou plutôt, le petit bout de terrain où elle repose. Le cimetière Notre-Dame-des-Neiges est inaccessible à la majorité du grand public depuis le mois de janvier en raison d’un conflit de travail qui se prolonge. Des dizaines de personnes se sont rassemblées, samedi midi, pour réclamer l’ouverture des portes du site.
« On juge que c’est inacceptable », dénonce le président du Syndicat des travailleuses et des travailleurs du cimetière, Patrick Chartrand. « L’employeur se gêne pas pour dire que la fermeture des lieux, c’est la faute de notre grève. Mais pour nous, le site devrait être ouvert, poursuit-il. C’est un lieu de sépulture, de recueillement, et l’entrée est systématiquement bloquée aux clients sous prétexte qu’on est en grève. »
Le Syndicat des employées et employés de bureau du cimetière Notre-Dame-des-Neiges, représenté par la CSN et comptant une quinzaine de membres, a entamé une grève au mois de septembre après cinq ans de négociations infructueuses avec son employeur pour renouveler son contrat de travail. Le syndicat représentant les 90 employés affectés à l’entretien des lieux a fait de même au mois de janvier, après quatre ans sans contrat de travail, entraînant la fermeture complète des lieux.
M. Chartrand affirme comprendre qu’il y a des enjeux de sécurité à laisser les clients entrer, notamment en raison d’accumulations de neige à certains endroits, mais il estime que cela ne devrait pas justifier une fermeture complète du site. « [Les gardiens de sécurité] devraient accompagner les familles à l’intérieur du cimetière et leur montrer où c’est pas accessible. »
L’ambiance de la manifestation était à la fois festive, notamment en raison des effluves de hot-dog grillés sur un grand barbecue et de la musique pop résonnant à plein volume dans un haut-parleur, mais également teintée de colère. Plusieurs orateurs issus du milieu syndical se sont succédé afin de dénoncer l’employeur des grévistes, la Fabrique de la paroisse Notre-Dame de Montréal.
Mais pour Michael Musacchio, il n’est pas question de choisir un camp ou l’autre. Tout ce qu’il veut, c’est que le cimetière rouvre ses portes dès que possible afin qu’il puisse revoir la tombe de sa fille. « La grève ne devrait pas toucher les familles, dénonce-t-il. Nous ne devrions pas être pris en otage. » Il avait l’habitude de se recueillir sur la tombe de sa fille une fois par semaine depuis son décès, il y a près de deux ans.
« S’ils n’ouvrent pas pour Pâques, je vais passer par-dessus la clôture », affirme-t-il avec détermination. « S’il y a trop de neige, je la pelletterai. »
Même désespoir chez Ron Tondino, qui ne peut plus visiter la sépulture de son frère, décédé l’été dernier. « Mon autre frère et moi, on venait chaque semaine avec notre café et notre chaise », articule-t-il avec émotion. « Maintenant, mon frère et moi, on vient chaque mercredi sur la voie Camilien-Houde. On prend notre café. » Ils ne voient pas la sépulture de leur frère, mais ils savent qu’elle n’est pas trop loin.
Dans un communiqué paru le 13 mars, la Fabrique affirme toutefois que les portes du cimetière vont «bientôt» rouvrir. «L’arrivée du printemps, l’évolution de la température et la fonte des neiges permettront de déterminer le moment où l’ensemble du site et les 33 kilomètres de chemins qui le parcourent seront devenus sécuritaires pour accueillir les membres des familles des défunts. Dès que ces conditions favorables seront réunies, l’horaire d’ouverture du Cimetière sera rendu public.»
Les demandes des syndicats concernent essentiellement le salaire. « On veut une augmentation salariale décente », mentionne le président du Syndicat des employées et employés de bureau du cimetière, Éric Dufault. « L’employeur est en demande de recul partout : payer plus en assurance, réduction des employés réguliers, gel salarial sur cinq et quatre ans… » Pour la suite des négociations, il déclare n’être « pas du tout » optimiste.
Dans un communiqué, la Fabrique de la paroisse Notre-Dame de Montréal indique également qu’au mois de janvier, le cimetière a soumis une offre d’augmentation salariale « honnête et raisonnable » aux syndicats. « La rémunération représenterait, avec ces hausses salariales, un taux horaire de près de 35 $, ce qui représente une rémunération globale de 52 $ par heure pour chaque employé régulier. »
À l’heure actuelle, le cimetière accueille uniquement « les familles endeuillées qui ont rendez-vous pour une inhumation en mausolée ou pour un service de crémation. » Ces services sont payants. Le site de la Fabrique de la paroisse Notre-Dame indique également qu’« aucune inhumation en terrain n’est possible présentement. »
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