L'INCENDIE DANS LE VIEUX-MONTRéAL RELANCE LE DéBAT SUR LES AIRBNB ILLéGAUX

Le gouvernement du Québec promet d’implanter de nouvelles mesures législatives pour s’attaquer au problème des locations à court terme effectuées illégalement, tout en demandant aux municipalités de mieux faire respecter leur propre réglementation. Pendant ce temps, l’enquête policière se poursuit, plusieurs jours après un incendie mortel survenu dans un bâtiment du Vieux-Montréal où des logements étaient loués sans autorisation sur des plateformes de type Airbnb.

La ministre du Tourisme, Caroline Proulx, a convié la presse à 15 h devant l’édifice William-Watson-Ogilvie, un bâtiment patrimonial comprenant 14 logements qui a été ravagé par les flammes jeudi dernier. Neuf personnes ont été blessées dans le sinistre, dont trois gravement. Une personne a été retrouvée morte dans les décombres, tandis que six autres demeurent disparues.

Cinq logements ravagés par les flammes étaient utilisés pour des locations de courte durée. Or, ce bâtiment patrimonial est situé à l’extérieur de la zone permise pour des résidences de tourisme. La Ville de Montréal a par ailleurs confirmé au Devoir n’avoir jamais remis de certificat d’occupation à cet effet au propriétaire des lieux, Emile-Haim Benamor, qui possède de nombreux bâtiments dans la métropole.

Pour s’attaquer au problème des locations à court terme illégales, la ministre Proulx a indiqué lundi travailler sur un projet de règlement visant à resserrer la Loi sur l’hébergement touristique. Les offres de location à court terme diffusées en ligne pourraient ainsi devoir inclure systématiquement un numéro d’enregistrement de la Corporation de l’industrie touristique du Québec (CITQ).

« S’il y a des infractions ou que le numéro d’enregistrement n’est pas affiché sur les plateformes, il y aura des amendes, non seulement à la plateforme, mais aussi aux propriétaires », a assuré Mme Proulx lundi.

Responsabilité partagée

Plus tôt en journée, l’opposition officielle à l’Hôtel de Ville n’a pas manqué de critiquer la mairesse Valérie Plante sur la question des logements Airbnb illégaux. « La Ville de Montréal a aussi une responsabilité, a souligné le chef d’Ensemble Montréal, Aref Salem. On a déjà mis des règlements de zonage en place, et ces règlements de zonage doivent être respectés avec des inspecteurs de la Ville de Montréal. On ne peut pas demander au gouvernement du Québec de venir inspecter et s’assurer que les règlements de la Ville de Montréal soient respectés. »

La ministre Proulx, qui a rencontré la mairesse Plante lundi après-midi, a d’ailleurs laissé entendre en point de presse qu’il aurait été de la responsabilité de la Ville d’agir dans le cas du bâtiment incendié puisque celui-ci est situé hors du tronçon de la rue Sainte-Catherine où la réglementation de l’arrondissement de Ville-Marie permet les locations à court terme.

« Moi, je gère la Loi sur l’hébergement touristique. Je ne gère pas les municipalités et je ne gère pas, donc, les édifices comme celui-là, qui sont illégaux », a-t-elle lancé. « Les municipalités ont le pouvoir d’encadrer et de restreindre les permis octroyés. On a donné ce pouvoir-là aux municipalités », a souligné la ministre.

Son attachée de presse a ensuite corrigé le tir en reconnaissant, après le point de presse, que Québec était tout de même responsable de s’assurer que les résidences de tourisme possèdent un numéro d’enregistrement de la CITQ. Or, celui-ci n’en possédait pas.

Après s’être recueillie devant la triste scène, lundi, Valérie Plante n’a d’ailleurs pas mâché ses mots à l’égard de la gestion de l’immeuble. « Airbnb s’en lave les mains », a lâché la mairesse, qui affirme avoir discuté avec les patrons d’Airbnb Canada au sujet des lois à appliquer, sans avancées concrètes. « […] On ne serait pas dans la situation actuelle si on avait une entreprise qui respecte les règles. »

Mettre au pas Airbnb relève du « parcours du combattant », car il « faut une plainte pour agir », a souligné la mairesse. « Pogner le monde sur le fait, c’est ça qui est compliqué », a-t-elle ajouté. Notons que le bâtiment incendié n’avait jamais fait l’objet d’une plainte à la Ville pour de l’hébergement touristique illégal. Le tout se passait donc sous le radar des autorités.

En fin de compte, « il y a un manque d’inspections pour s’assurer que la loi est vraiment respectée », en ce qui a trait à la réglementation tant provinciale que municipale encadrant les locations à court terme, constate la doctorante à l’Université de Waterloo et chercheuse dans le domaine de l’habitation Cloé St-Hilaire.

Le ministre des Finances, Eric Girard, s’est d’ailleurs montré ouvert lundi à augmenter le nombre d’inspecteurs de Revenu Québec, tandis que la Ville souhaite augmenter les inspections réalisées dans certains arrondissements clés.

Une longue enquête

Joint par Le Devoir, Airbnb a assuré lundi offrir son aide aux personnes touchées par l’incendie, en plus de collaborer à l’enquête policière en cours, qui pourrait s’étirer sur plusieurs jours.

« En ce qui concerne l’enquête, je serai extrêmement avare de commentaires », a lancé lundi le chef du Service de police de la Ville de Montréal, Fady Dagher, en conférence de presse. « On a prévu un plan d’opération minimalement d’une à deux semaines. »

Le long et minutieux démantèlement des deuxième et troisième étages de l’immeuble a d’ailleurs débuté lundi. Un camion-nacelle, des grues et d’autres équipements ont été déployés pour faciliter le travail des policiers et des pompiers, de même que celui des techniciens du laboratoire de sciences judiciaires, qui tenteront d’identifier les victimes dans les prochains jours.

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